Panas révolue 2

Publié le par Estelle Mathieu

    Quand j’ai grandi, lors de mes premières révélations, j’ai cru tout d’abord devoir combattre cette masse ingrate de petits dictateurs. Ces gens imbus d’eux-mêmes et de leur pouvoir, faible ou incommensurable, en fonction de leur grade. Ces ignorants, ces profiteurs malsains d’un peuple persécuté, exploité, sous-traité, et cependant bouillonnant d’un instinct de révolution qui laissait présager quelques changements de situations dans les temps à venir.

    Et j’en faisais partie. Partie intégrante de cette population minoritaire et hautaine, dans laquelle j’avais pour objectif vital de supprimer tous ceux qui pourraient provoquer l’insurrection tant redoutée. Tuer de nombreux gens innocents, alors que moi-même, j’avais le sentiment, l’intime conviction que l’avenir résidait dans leurs yeux, dans leur esprit, dans leur combat, mille fois plus noble que le mien, que celui de mon genre, de mon espèce. Je sentais en moi ce besoin oppressant de les aider, mais j’étais moi-même surveillé par les membres de la très haute sphère. Je n’avais pas le droit à l’erreur. Je ne pouvais me permettre le moindre faux pas. Il fallait que chaque jour, chaque heure, chaque instant, mes actes puissent être compris par mes supérieurs comme loyaux et méritant distinction. Il fallait que j’y arrive, que j’aboutisse enfin ce projet de grande envergure. Malgré moi. Il fallait que j’atteigne un des postes les plus influents, afin de pouvoir enfin inverser la tendance en faveur du combat pour lequel j’ai des convictions profondes. Celui qui va à l’encontre de ma façade, à l’encontre de ma famille, à l’encontre de ma naissance. Car depuis toujours, j’ai su que ma réelle destinée n’était pas celle que mes parents m’avaient promise. Ce jour où j’ai lu dans les yeux d’un autre enfant le désespoir, un besoin intense et inassouvi de tendresse, de réconfort. Ces choses que personne ne pourrait plus lui donner, car ce jour, j’ai vu mon père tuer et se faire tuer. L’horreur me tiraillait, la panique envahissait mon être, la soif de vengeance, le goût du sang me montait dans la bouche. Quand j’ai croisé ce regard, les tumultes de mon esprit laissèrent place à une profonde tristesse. Une tristesse que je partageais avec ce garçon, car nous souffrions du même mal. Alors pourquoi le tuer ? Pourquoi me venger sur un être qui vit la même chose que moi parce qu’il est « dans l’autre camp » ? J’ai réalisé alors, à peine âgée de 7 ans, que ce pourquoi mes parents se sont battus, je ne veux pas y croire. En aucune façon.

    Je n’ai jamais démordu de cette conviction. Chaque jour qui passe, ces yeux me rappellent pourquoi je suis là. Chaque jour, ils me demandent pourquoi je tue. Pourquoi je fais souffrir, pourquoi je ne me rebelle pas. Et chaque seconde, ils me culpabilisent. Ils m’en veulent.

 

Publié dans Créations

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